La voix de l'animal...4


ils recherchent de la nourriture, coopèrent avec des membres de leur espèce et craignent les humains, comme le font les vrais rats. En outre, tandis que dans la plupart des cultures humaines, les rats sont considérés comme de la vermine, «D’un rat de ville et d’un rat de village» témoigne d’une attitude sensiblement différente. La fable décrit l’interaction entre les humains et les rats du point de vue des rats. Les rats sont les personnages qui sont décrits dans la fable. Ils l’introduisent et la concluent.  Leurs sentiments et leur pensées aussi sont décrits. L’arrivée de l’homme dans la pièce est racontée de leurs points de vue - comme une intrusion inquiétante au milieu de leur festin. Les lecteurs peuvent, sans aucun doute, compatir avec les rats, et aussi apprendre une chose ou deux sur leurs vies et leur expériences réelles. Tout cela pourrait même les aider à éprouver plus de compassion, dans la vie réelle,  envers ces visiteurs inattendus. 

Voici un autre exemple : «De l’âne qui change de maître» d'Esope. Dans cette fable, un âne, qui est exploité par un jardinier et souffre de ce lourd fardeau, demande à Jupiter la permission de travailler pour un potier du voisinage. Jupiter accède à sa demande, mais peu de temps après l’âne se rend compte que le potier lui fait porter des charges encore plus lourdes. Il prie à nouveau,  et demande de pouvoir quitter le potier pour devenir le serviteur d’un tanneur. Jupiter accepte, mais l’âne réalise bientôt que c’est encore pire : non seulement on le fait travailler dur, mais il est souvent traité avec cruauté. De plus,  le pauvre âne comprend que son nouveau maître n'épargnera pas sa peau. Bien que les ânes ne prient pas, les aspects réalistes de cette fable sont aisément perçus : les ânes sont effectivement utilisés par les humains, ils portent des lourdes charges et en souffrent. La fable nous fournit un catalogue pédagogique des souffrances des bêtes de somme. Par ailleurs, lire un compte-rendu détaillé sur la réalité bien connue de l’exploitation des ânes du point de vue inattendu de l’âne lui-même nous encourage à compatir avec celui de la fable ; ce qui pourrait nous conduire à éprouver aussi de la sympathie pour les vrais ânes du monde réel.

A la lecture de ces textes, une question se pose : qu’est-ce qui fait que l’animal non-humain est important dans certaines fables et insignifiant dans d’autres ? La réponse ne dépend pas seulement des intérêts personnels de l’interprète - mais aussi du contenu de la fable. Deux types de contenus possibles viennent à l’esprit : premièrement, les animaux non-humains représentés dans la fable sont-ils domestiqués ou sauvages ? Et deuxièmement, l’interaction dans la fable se produit-elle entre des humains et d’autres animaux ou seulement entre des animaux non-humains ? La plupart des humains - y compris les auteurs de fables, ne connaissent pratiquement aucun animal sauvage et sont peu au courant des interactions entre animaux non-humains. En écrivant à leur sujet, les humains utilisent principalement leur imagination et les stéréotypes culturels de ces animaux. Néanmoins, les auteurs de fables connaissaient probablement mieux certains animaux domestiques et leurs interactions avec les gens  - ils savaient sans doute, par exemple, que les gens maltraitaient les ânes et que les rats craignaient les humains. Ce qui peut expliquer pourquoi les fables qui décrivent des interactions entre animaux domestiques et humains sont réalistes, alors que d’autres non.