La voix de l'animal...2


non-humains ne sont pas explicites, mais apparaissent aussi dans l’acte de lire et d’interpréter la fable.

Par conséquent, l'approche critique des “animal studies” fait souvent valoir  que les fables animalières occultent les animaux non-humains ; que les caractères des animaux sont devenus des «référents absents» c’est-à-dire, selon les termes de  Carol Adams - toute chose dont l’existence est transmuée en une métaphore de l’existence humaine (4). Erica Fudge, une des rares universitaires spécialistes de littérature à explorer la fiction animalière du point de vue des droits des animaux, ne voit aucun potentiel intéressant dans les fables animalières (5). De même, John Simons écrit dans son livre Animal Rights and the politics of literary representation :
Le rôle des animaux dans la fable est presque accessoire. Ils sont de simples véhicules pour l’humain et ne sont en aucun cas présentés comme ayant une existence physique et psychologique propre […] La fable n’a que peu à offrir et ne peut rien nous apprendre sur les relations profondes entre humains et non-humains. (6)

Harriett Ritvo, une historienne qui étudie la relation entre humains et animaux non-humains, affirme que «la fable animalière a peu de rapport avec des créatures réelles» (7) et Nicolas Howe  est encore plus sévère - il voit l’utilisation des animaux non-humains dans les fables comme une autre forme de leur exploitation par les humains :
Que nous accablions les animaux en leur demandant de nous apprendre comment nous comporter en êtres humains semble n’être rien de plus qu’une autre façon de les exploiter. Nous forçons les animaux à faire des travaux physiques, nous les élevons dans des conditions cruelles, nous les maltraitons de toutes sortes de façons, et enfin nous les domestiquons plus complètement encore en leur faisant porter la morale de ces fables. Il vaudrait bien mieux, semble-t-il,  lire les comptes-rendus des naturalistes qui observent les animaux dans leur environnement afin d’apprendre des choses sur le monde naturel, et qui refusent de traiter les animaux comme des personnages destinés à s'insérer dans les fables animalières pour corroborer nos catégories morales (8)

Contrairement à ces opinions, je voudrais faire valoir que les fables animalières n'occultent pas  nécessairement  les  animaux  non-humains  et  qu’au  moins  certaines 

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4. Adams, Carol. The Sexual Politics of Meat: A Feminist-Vegetarian Critical Theory (New York: Continuum, 1999) p. 42.
5. Fudge, Erica. Animal (London: Reaktion Books, 2002), p. 71-2.
6. Simons, John. Animal Rights and the Politics of Literary Representation (Whiltshire: Palgrave, 2002), p. 119.
7. Ritvo, Harriet. The Animal Estate: The English and Other Creatures in the Victorian Age (Cambridge: Harvard University Press, 1987), p. 4.
8. Howe, Nicolas. "Fabling Beasts: Traces in Memory", in Humans and Other Animals, ed. By Arien Mack (Columbus: Ohio State University, 1999), p 231, pp. 229-47.